Artiste Mikhail Kaban-Petrov, (Kosterevo)
Je n’ai jamais regretté d’être devenu artiste-peintre et je n’ai pas honte de mon métier. Pourtant je n’ai jamais considéré ce que je fais juste comme une profession, il y a là quelque chose d’autre. Comme tout le monde j’ai débuté avec le simple désir d’apprendre à dessiner. Je connais comme beaucoup d’autres cette émotion inexplicable qui naît de l’impression de l’infinitude de l’art. Dans le village où je suis né et où j’ai grandi il n’y avait ni atelier ni école de peinture et pour cette raison j’apprenais tout par moi-même. J’adorais l’odeur enivrante de la peinture à l’huile et des rares livres d’arts. Au lieu de dessiner des cubes et des pyramides, je dessinais et peignais comme je pouvais tout ce qui m’entourait : Portraits de mes proches, ustensiles de ménage, corbeaux freux et notre rivière. Jamais je n’ai considéré le professionnalisme comme un critère d’évaluation. Le professionnalisme c’est bien, il vaut mieux en avoir que d’en manquer mais le peintre doit garder un dilettantisme au fond de lui-même sans lequel le professionnalisme est comme mort.
Il se trouve que dans ma vie « d’apprenti » je n’ai pas eu « d’enseignants ». Je parle de ceux qui apprennent à voir et à penser. J’avais mes peintres préférés que je découvrais au fur et à mesure et qui devenaient mes maîtres. Dans mes jeunes années j’ai été un fervent admirateur de Mikhaïl Vroubel puis de Viktor Popkov plus tard. Pour parler d’influence et de goût il faut parler de l’art en général. Le premier film de Tarkovski que je regardais était « Solaris ». Je ne trouve pas d’autre mot que bouleversement. Je ne savais alors rien du régisseur, je connaissais peu le film mais je me souviens jusqu’à aujourd’hui de mon état d’abasourdissement après que tout mon être se fut retourné. J’éprouvais la même sensation à la lecture de la poésie de Brodski, dès le premier poème. La liste de mes « frères spirituels » peut être longue mais je voudrais revenir à Tarkovski. C’est précisément lui que je pourrais appeler mon « maître » car l’influence de son œuvre fût plus que significative et influença ma pensée dans de nombreux domaines.
Je ne peux pas dire que je me considère comme un peintre mature. Je me préoccupe plus de mon moi de demain que de mon moi du présent ou du passé. J’aime énormément ce que je fais et ne m’imagine pas hors de ma créativité. J’aime le processus de la créativité en tant que tel. J’apprécie particulièrement la partie centrale quand on s’écarte de l’idée d’origine et que le travail se met à apporter les corrections par lui-même et amène vers la variante finale. En fin de compte, le résultat est toujours un peu autre, un peu différent. Pour cette raison je considère la créativité comme un miracle. Dans tout ce que je peins ou m’apprête à peindre je vois d’abord l’Apparition. Apparition-Pain, Apparition-Bateau, Apparition-Air, Apparition-Vent et ainsi de suite. En fait, le peintre a toujours du mal à expliquer ses tableaux, d’ailleurs ça n’a pas de sens. La peinture comme la musique agit sur l’inconscient presque instantanément qu’on l’aime ou pas, qu’elle touche ou pas…
Mikhail Kaban-Petrov pour les lecteurs de ”Russian Art & Paris”
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